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Nikki à Nice: avez-vous aimé?

Sur les hauteurs musicales du Nice Jazz Festival
Article paru dans l'édition du 20.07.10
Le contrebassiste Ron Carter, les chanteuses Nikki Yanofsky et Sharon Jones ouvrent la manifestation en beauté
ans préjuger de la suite du Nice Jazz Festival, organisé du 17 au 24 juillet, le moment de grâce et de subtilité musicienne qu'aura été le concert du trio de Ron Carter, dimanche 18 juillet, est déjà l'un des souvenirs marquants de la probable dernière édition de la manifestation sur le site des Arènes et jardins de Cimiez, dans les hauteurs de la ville.

Le maire UMP, Christian Estrosi, souhaite que le festival regagne le centre-ville (Théâtre de verdure et jardin Albert-1er). L'appel à candidature de délégation de service public du festival pour les années 2011 à 2013 a été fait en ce sens (Le Monde du dimanche 18-lundi 19 juillet). Il sera clos le 15 septembre. Pour l'heure c'est bien là-haut que ça se passe.

Veste boutonnée et pantalon noir, chemise blanche, cravate à rayures, ils sont impeccables. A gauche, le pianiste Mulgrew Miller, à droite, le guitariste Russell Malone et, au centre, le contrebassiste Ron Carter, 73 ans. Il a toujours l'air d'être le premier surpris de faire sonner sa contrebasse avec ces rondeurs, des graves pleins et vibrants, des harmoniques douces dans les aigus. Il joue bien droit, regarde ses compagnons dans leurs parties solistes, sourit à un changement d'accord, à la reprise du thème. Pas un bruit au sein du public des Arènes durant l'énoncé de Misty par Malone.

Aux anges

Pour la centième fois, la millième fois peut-être, Ron Carter annonce que l'une de ses chansons préférées est My Funny Valentine - dont Chet Baker a probablement donné la version la plus frémissante. Et pour la centième fois, la millième fois peut-être, elle ne ressemble pas à toutes les fois où il l'a jouée. Miller pose la mélodie. Carter cale trois notes sur le premier temps, une autre sur le contretemps du quatrième. Une mesure à vide. Et reprend.

En cours de route, Miller passe à une autre mélodie à tomber, Someone To Watch Over Me. Les amoureux des Arènes sont aux anges. Ensuite, comme lors du concert d'Ornette Coleman, samedi 17 juillet, le son de la scène du Jardin fait son intrusion. Mais là c'est carrément le char d'assaut sonore avec le faussement énervé et musicalement inepte orchestre de Goran Bregovic.

A la scène Matisse, en ouverture de la soirée de dimanche, il y eut un autre grand moment de musique. Nikki Yanofsky a l'allure brindille des jeunes filles des magazines de mode. Canadienne, chouchoute du Festival international de jazz de Montréal, elle est âgée de 16 ans. Quand elle parle, c'est évident. Quand elle chante, c'est vingt ans de métier que l'on entend. Elle enchaîne sur tempo marqué On The Sunny Side of The Street, God Bless The Child et Take The A Train, d'Ellington, avec paroles qui raconte la ville de New York. Puis déboule un scat. Epoustouflant de précision, musical, avec juste la batterie derrière. Le scat, c'est cet agrégat d'onomatopées façon « oob-doo-pee doo-bweep-wop ».

Du genre tornade

Restait l'épreuve de la ballade. Elle a choisi Over the Rainbow. Piano et voix. Sobre, sans dégoulinades - le thème, immortalisé par Judy Garland dans le film Le Magicien d'Oz, les appelle. Une enfant prodige mettrait mal à l'aise ; Nikki Yanofsky a simplement l'air d'être là pour une vie de musique. Prochain rendez-vous à la mi-septembre avec la parution de son album Nikki (Decca/Universal Music).

Samedi 17 juillet, c'est une autre voix qui aura dominé, avec la poésie en apesanteur d'Ornette Coleman, la soirée. Pour faire court, Sharon Jones a été souvent qualifiée de James Brown version féminine. Ses « oh ! » et ses « ah ! » en ont les sonorités rauques. Sur scène, elle est du genre tornade - en robe bleu canard brillante.

Et puisque James Brown il y a, elle lui rend hommage avec une impériale suite de citations. Son orchestre de gamins fait ce qu'il faut : grosse basse en avant, riffs des cuivres et anches, tricotis de guitares, la batterie qui appuie le premier temps. Et là aussi, le test des ballades dit sa grandeur. Un blues, Mama Don't Want You, Man ou Window Shopping, sur tempo moyen. Pour deux envols d'émotion.
Sylvain Siclier